Leto

Leto

Le film
Drame, Biopic
Russie- France
Réalisé par Kirill Serebrennikov
sortie 5 décembre 2018
2h 06min
Avec Roman Bilyk, Irina Starshenbaum, Teo Yoo plus


Synopsis

Leningrad. Un été du début des années 80. En amont de la Perestroïka, les disques de Lou Reed et de David Bowie s’échangent en contrebande, et une scène rock émerge. Mike et sa femme la belle Natacha rencontrent le jeune Viktor Tsoï. Entourés d’une nouvelle génération de musiciens, ils vont changer le cours du rock’n’roll en Union Soviétique.

En savoir plus sur le film : bande annonce, critiques

Bande annonce :

Critiques
Cahiers du Cinéma
Joachim Lepastier
Une vibration continue qui nous aura subjugués comme un chant astral et enivrant, nimbé d’une mélancolie de combat.

Libération
Didier Péron
Ce qui est vraiment magnifique ici, c’est la façon dont le cinéaste aborde ce moment de bascule, de crise, où un processus de désagrégation politique inexorable s’amorce comme en sourdine, non sous la forme attendue, fulgurante du drame mais en laissant les épisodes du quotidien déposer et cristalliser, dans l’ample matière du souvenir instantané, la joie irremplaçable des instants privilégiés et la conviction sereine que ce qu’il était possible de vivre l’était sans retenue ni calcul, et jusqu’à la plénitude d’un gâchis extatique

L’Humanité
Dominique Widemann
Cinéma. La route du rock commence à Leningrad
L’Été de Kirill Serebrennikov. Après le Disciple, un nouveau film remarquable du dissident russe, qui était présenté en compétition à Cannes. Son auteur est assigné à résidence à Moscou, où il risque la prison. [...]
Brillant metteur en scène de théâtre, Kirill Serebrennikov excelle à saisir chez chacun de ses protagonistes les éléments vitaux. En longues prises saturées d’énergie, il les libère sur le sable, dans les flammes d’un feu de joie passible d’ignition générale s’ils n’y jetaient le peu qu’ils ont sur le corps.

Télérama

Jacques Morice

Le portrait, dans l’Union soviétique liberticide des années 80, de la petite communauté du rock underground et de ses hérauts romantiques. Un film baroque et grisant.
Ce n’est pas la gloire mais son avant-goût, aussi exaltant sinon plus. Nous sommes en Union soviétique, dans les années 80. Viktor Tsoï, Eurasien à la gueule d’ange ténébreux, n’est pas encore le chanteur du groupe new wave Kino, dont le tube Changement ! a servi d’hymne à la perestroïka. Si, en France, Tsoï est un quasi-inconnu, en Russie il est aujourd’hui une légende. Mais Kirill Serebrennikov (Le Disciple), cinéaste tout sauf conformiste, assigné à résidence par les autorités russes (lire encadré), est trop intelligent pour céder aux pièges du biopic. De Viktor Tsoï il sera bien question dans Leto, mais c’est un autre chanteur, plus méconnu encore, qu’il fait passer au premier plan. Un héros de l’ombre, à la fois protecteur et catalyseur.
Il s’appelle Mike Naumenko. Lui aussi a du charisme, avec ses Ray-Ban Aviator toujours sur le nez. Il est plus mûr que Viktor, il est le père d’un bébé et le compagnon d’une muse renversante, Natasha. Il est enfin le leader du groupe Zoopark, très imprégné de T. Rex, qui marche fort sur la scène underground de Leningrad. On le voit chanter dans un concert qui nous met d’emblée dans l’ambiance du pays. Le public, jeune, est sommé de rester assis sans bouger et ne doit aucunement crier, sous peine d’être rapidement rappelé à l’ordre par une cohorte d’apparatchiks qui veillent au grain. On se croirait au mieux dans un spectacle encadré de fin d’école, au pire en prison. Le pessimisme n’est pourtant pas de mise. Non sans malice, Kirill Serebrennikov préfère survoler les pieds qui battent la mesure en cachette, les trémoussements irrépressibles. Il privilégie surtout la joie qui illumine tous les visages.

Les réjouissances d’une communauté, voilà à quoi le film nous convie. Cette communauté, société un peu secrète, est la faune regroupée autour de Mike. Lorsque Viktor y débarque, son talent transparaît assez vite. Mike le sent et voit aussitôt l’effet que ce jeune auteur-compositeur au cheveu sauvage produit sur Natasha. Plutôt que de vouloir l’écarter, il l’accepte, l’encourage et le soutient. La beauté du film tient beaucoup à cette affection romantique, à la douceur prévenante des échanges qui circule entre les deux rockers et Natasha, sorte de triangle amoureux à la Jules et Jim. [...]. Le film circule dans un mouvement perpétuel, allègre, dont l’arrêt signifie la tristesse. Car Leto n’est pas non plus dépourvu d’une mélancolie diffuse, comme si le souffle annonciateur de liberté qu’incarnent le mentor et son protégé était fragile, réclamait des sacrifiés. Comme si cette bulle de grâce suspendue était promise à devenir un paradis perdu.